
Celle qui se cachait derrière un sourire
On dit souvent que le sourire est une arme redoutable. Mais parfois, c’est juste un masque bien rodé. Moi, je suis une experte en la matière. J’ai appris à peindre sur mon visage une expression rassurante, même quand à l’intérieur, tout se bouscule. Depuis la perte de mes parents, ce sourire est devenu mon armure. Un réflexe. Un « tout va bien » silencieux qui évite les questions gênantes et me permet d’avancer sans alerter le monde autour de moi.
J’ai appris à sourire pour ne pas déranger les autres, pour ne pas leur montrer que, parfois, la vie, après une perte, semble beaucoup plus lourde à porter. Après tout, qui voudrait entendre parler de chagrin quand on peut échanger des sourires et des blagues, non ? Parce qu’au fond, ce sourire devient une petite barrière de protection, une manière de masquer ce qui est caché derrière.
Ce n’est pas que je n’ai pas envie de pleurer. Bien sûr que j’en ai envie. Mais il y a ce petit truc en moi qui me dit : « pas maintenant ». Comme si exprimer ces émotions, ces larmes, c’était déranger l’ordre des choses, comme si la douleur devait rester bien cachée. Pourtant, je sais que, parfois, c’est justement cette douleur qui doit sortir. Le sourire n’est qu’un masque, un bouclier, pas une solution. Mais chaque jour, je choisis de porter ce masque. Parce que c’est plus facile, plus pratique, moins compliqué que d’avouer qu’on est en train de se noyer sous des vagues d’émotions.
Cela dit, il y a aussi ces moments où le masque finit par tomber. Quand on croise un ami, qu’il pose une question et qu’on réalise qu’on a tellement accumulé de « ça va » qu’il n’y a plus d’espace pour un « vraiment ? ». Et c’est là, dans ces moments-là, qu’on réalise que ce sourire forcé devient une prison. Parce qu’au fond, ce sourire n’est pas qu’un simple acte. C’est un moyen de ne pas montrer aux autres que l’on se sent perdu. C’est une manière de protéger ceux autour de nous, mais aussi, par la même occasion, de se protéger soi-même. Parce que, soyons honnêtes, avouer qu’on n’est pas bien, c’est aussi accepter que l’on doit faire face à des choses qu’on préférerait ignorer.
Le problème, c’est que jouer à ce jeu-là, c’est un peu comme jongler avec des grenades dégoupillées. À force d’accumuler, de cacher, de prétendre, ça finit par exploser au pire moment, à la moindre contrariété.
Alors, peut-être qu’un jour, je me laisserai aller à ce « ça va pas ». Parce qu’en vrai, montrer sa vulnérabilité, ce n’est pas être faible, c’est juste être humain.
En attendant, je continue à sourire. Pas pour mentir, mais pour me rappeler que je fais de mon mieux.
Parce que, finalement, se permettre de montrer sa vulnérabilité, ce n’est pas un signe de faiblesse. C’est un acte de courage. Et peut-être qu’un jour, je serai prête à abandonner ce sourire figé pour être plus vraie, plus authentique.

