Tranches de vie : Mon stage de l’enfer version « Le Diable s’habille en Prada »
Vous ne vous êtes jamais demandé comment votre vie à un moment donné, a pu prendre un tournant contraire à vos aspirations les plus profondes ?
Comment le destin a pu s’acharner sur vous, à un stade de votre existence ou vous étiez encore bercé de douces illusions ? Ou vous pensiez encore que le monde du travail ne pouvait vous apporter qu’enrichissement et responsabilité ?
Toute notre vie jusqu’alors, se fait dans l’attente impatiente d’enfin pouvoir trouver son indépendance dans un travail qui nous apportera tant épanouissement personnel que financier.
Je généralise bien sûr, mais le monde du travail peut parfois être cruel…
J’en ai fait les frais lors de ce premier stage lors de ma formation . Il devait me permettre de me créer ma première expérience dans le domaine de l’audiovisuel. Et qui sait me créer ce fameux réseau nécessaire pour ce type de milieu.
Croyez-moi j’ai vite déchanté… Rien ne s’est passé comme prévu
Si je devais comparer mon expérience à quelque chose de parlant, vous voyez « Le Diable s’habille en Prada » ? Ben on va dire que je n’étais pas loin de ça
Lorsque l’on dit qu’il faut vraiment faire confiance à son intuition, j’aurais peut-être dû l’écouter un peu plus et refuser ce stage (même si au final je n’avais pas vraiment le choix de refuser n’ayant pas d’autres offres de stages sous le coude).
Lors de l’entrevue téléphonique, celle qui allait être ma responsable, que l’on va appeler C., m’a déstabilisé.
Je l’avais trouvé antipathique, elle n’avait clairement pas lu mon CV. A me poser des questions qui n’avaient aucun sens, avec une telle arrogance dans la voix, comme si elle crachait ses mots.
Elle semblait tomber des nues que je n’ai pas d’expérience dans l’audiovisuel (euh meuf, comment te dire que je fais justement un stage professionnel pour acquérir de l’expérience …)
Et paradoxalement, parfois elle avait une voix toute gentille. Donc une personnalité un peu troublante au premier abord.
Premier jour de stage
Arrivée la veille de ma Bretagne natale, je suis logée par l’oncle de mon chéri de l’époque. J’arrive sur place, un peu fébrile de ce que va donner cette première journée . Et là, je me retrouve presque seule dans un grand open space. Clairement, les gens commencent plus tard. Un autre stagiaire avec qui je vais travailler arrive alors. On se retrouve à attendre une demi-heure, 1h, toujours personne.
La secrétaire essaie d’appeler C, sans succès. Elle finit par appeler nonchalante pour prévenir de son absence (j’apprendrais par la suite qu’elle ne vient jamais au bureau les lundis…) Mais nous prévenir avant de nous faire déplacer non bien sûr c’était trop demandé … Ça commençait bien !
1er vrai jour J
Le lendemain, on prend les mêmes et on recommence .C’est La rencontre avec C. À peine les présentations faites, on est tout de suite mis au travail sans visite des lieux, des gens et services avec qui on va interagir. Sans même des explications de nos tâches, du projet en lui-même sur lequel on va bosser, c’est le flou total.
Le stagiaire avec moi m’aide à y voir plus clair (on parle de projets d’animation je n’y connais strictement rien aux termes techniques). Heureusement qu’il est là.
Cette première journée se termine à 21h30 sans même une pause lunch … C. ne déjeune pas, donc ses stagiaires non plus.
Je vois les locaux se vider, on est les derniers, bien sagement à nos postes de travail.
Bien sûr, n’étant pas encore familière des horaires de bus, il me passe sous le nez. Je me retrouve à finir le trajet à pieds, de nuit et en talons pour couronner le tout…
Ceci dit cela me permet de relâcher tout le stress et la pression de cette première journée, en larmes sur le retour.
Même si je suis plutôt du genre plutôt persévérant, je ne sens pas cette personne. J’ai envie de tout abandonner. Tout en sachant que je ne peux quitter ce stage car il valide mon année de fac . Et je n’en ai pas d’autres sous la main pour commencer du jour au lendemain.
Au fil des jours ce que j’ai appelé les « tâches batardes » se sont décuplées
- Madame faisait des crises d’urticaires récurrentes : aller à la pharmacie lui prendre des médicaments. Mais ce n’était pas bien car j’avais pris en granulés et il ne fallait pas (bien sur j’aurais dû le savoir par moi-même, c’est évident)
- Lui acheter son sandwich, bonbons etc. quand j’avais la chance d’avoir une pause déj. Pendant les 2 premières semaines de stage, nous n’en avions aucunes. Je tenais avec des petits gâteaux que je devais me ramener.
Comme je le disais, la duchesse ne mange pas, nous non plus. Et avec ses changements d’humeur récurrents, personne n’osait aller lui réclamer quoi que ce soit.
Nos horaires ressemblaient à du 9h-21h30 non-stop.
Enfin, je découvre bien assez vite que je dois arriver à 9h. Mais les autres peuvent arriver à partir de 10h, la duchesse y compris…
L’arrivée de 2 nouveaux stagiaires 15 jours plus tard, a enfin permis ces pause déj.
Peut-être la loi du plus fort qui sait.
Juste le lundi on arrivait à rentrer un peu plus tôt car la duchesse n’était pas au bureau .
- Elle m’envoyait aux 4 coins de Paris pour déposer une caméra à un réalisateur, pour récupérer des documents etc. à mes frais bien sûr! Du matériel qui coûte une blinde, seule en transports en commun, même après une journée de travail tard le soir à plus de 21h
Anecdote : je devais aller dans le 93 un vendredi soir, avec le film d’un réalisateur sur disque dur à ramener chez lui. Grosse responsabilité. C’est l’effervescence dans le métro
Ma correspondance est fermée, je ne sais pas comment faire, en bus c’est pas mieux, il est déjà tard. J’appelle donc le réalisateur pour le retrouver le lendemain matin pour lui remettre.
Je rentre donc, appel de C. Elle boit un verre tranquillement chez la coproductrice – elle avait été prévenue par le réalisateur.
Elle se décide donc à venir chercher ou je vis, le disque dur en taxi pour aller lui déposer (donc comme quoi depuis le départ elle pouvait y aller elle-même ! Je rappelle qu’elle se déplace en taxi aux frais de la prod)
Je me rends compte qu’elle se joue beaucoup de moi
J’ai un rendez-vous chez un graphiste en présence de Claire, une sorte de réunion de production. Le rendez-vous est fixé à 10h. J’appelle la duchesse pour la prévenir que c’est moi qui viens, car un de nous 2 (stagiaires) devait venir et la tenir au courant. J’appelle à 9h45. Et là le plus calmement du monde, elle me dit que le rendez-vous est déjà commencé depuis un moment, depuis 9h. Elle n’a pas prévenu pour changer, comme si elle voulait nous mettre en porte à faux.
J’arrive en vitesse au rendez-vous, j’assiste à la fin du meeting, la graphiste est très gentille et prévenante.
Je pensais rentrer en taxi avec Claire au bureau, mais non elle me dit de la rejoindre au bureau et de lui acheter un sandwich … Ben voyons !
Donc 1h de trajet pour rentrer
Lorsque j’arrive elle est déjà là forcément, rentrée en taxi ça va vite … Elle a le culot de me demander ce que je foutais, que j’en ai mis du temps.
Même en lui expliquant que j’ai du trajet elle s’en étonne
Le jour de mon anniversaire
Je dois finir plus tôt car l’oncle de mon mec m’invite dans un resto sur les Champs Elysées. Je lui suis très reconnaissante, seule à Paris, dans une ville que je ne connais pas bien, sans famille ni amis.
En arrivant donc, Je préviens C.. Déjà elle ne me le souhaite pas. Bref, passons, pas si étonnant. À l’heure où je dois partir, je la préviens de nouveau. Mais non, elle me rajoute du boulot et ne veut rien entendre. Je préviens donc de mon retard.
Arrivée là-bas, malgré la beauté des lieux, je n’arrive pas trop à redescendre du stress et de la pression de ma journée et d’avoir couru pour ne pas arriver trop tard.
C’était le seul bon moment de cette journée d’anniversaire.
Sans compter les nombreuses critiques et coups de pression
Que ce soit sur mon accent breton. Ou encore lors d’une réunion de prod, ou elle me fait la réflexion que je n’ai aucune expérience en audiovisuel et qu’elle se rend compte de ça
Elle m’apporte beaucoup de stress et de pression je ne tiens plus par moments. Il m’arrive de m’isoler dans les toilettes pour pleurer ou essayer de me calmer.
Une fois ou j’ai eu le malheur de ne pas comprendre ce qu’elle me demandait. Elle s’est emportée et j’ai craqué devant elle, rivée à mon écran d’ordinateur
Donc là elle se calme forcément, et me dit que je suis trop stressée (sans blague!). Que je devrais prendre de l’homéopathie, ça me ferait du bien
Allant même jusqu’à me laisser entendre que je devais avoir des problèmes psychologiques
Elle est détestée de tout le monde et cela me rassure. Ce n’est pas que moi qui ait du mal avec elle, j’apprends à me blinder que vers la fin de mon stage par contre.
En me renseignant sur la précédente stagiaire, j’ai appris qu’elle est sortie de là démoralisée
Un réalisateur avec qui elle s’est engueulée devant nous lui a même affirmé qu’elle traitait mal ses stagiaires.
Dernier jour tant attendu du stage
Je suisapaisée, je m’en fous de ses crises, tout me passe au-dessus. Je compte les heures avant la fin de journée.
Lorsque vient l’heure de partir, elle réalise tout à coup que c’est mon dernier jour,persuadée que j’avais encore une semaine.
Elle me demande si je reprends les cours ou si je peux prolonger encore un peu… La grosse blague!
Je finis à 21h le dernier jour tout de même. Elle veut encore une fois que j’aille déposer des DVD chez un réalisateur. Je refuse bien sûr et lui dit de faire appel à un coursier. Je m’affirme juste en partant , n’ayant plus à la gérer par la suite. En me disant au revoir, pas un mot sur mon stage, pas un remerciement que dalle. Juste elle me dit de l’appeler si je repasse sur Paris… Ben bien sûr voyons !
Je me suis beaucoup remise en question sur le monde de la production audiovisuelle après ce stage. Je me demandais si c’était comme ça partout ou si je suis tombée sur la mauvaise personne. Et l’avenir me prouvera que c’était bien elle le problème. Car j’ai travaillé ensuite pendant 7 ans à Paris, dans de très bonnes ambiances et équipes dans ce domaine.
Après le stage, on ne m’a pas donné de nouvelles des courts métrages sur lesquels j’ai travaillé. Je n’ai jamais vu le résultat, je trouve ça assez bas. Mais bon,venant de cette personnalité toxique , le contraire m’aurait étonné …